15 conseils pour bien juger une bière en compétition
Passionné par la dégustation tout autant que le brassage de bière, juger des bières est un exercice à mi-chemin entre le fabricant et le consommateur que j’apprécie particulièrement. J’ai eu l’opportunité de participer en tant que juge à différentes compétitions de qualité (France Bière Challenge, Millésime Bio, Salon du brasseur Fourquets…) et voici mes quelques conseils pour bien juger une bière inspiré par mes expériences, ma certification Cicerone et la référence BJCP (Beer Judge Certification Program).
Amis dégustateurs professionnels et amateurs, cet article n’a rien d’exhaustif et n’hésitez pas à l’enrichir avec vos conseils de dégustation dans les commentaires en dessous de l’article.
Protéger ses sens
Eviter de mettre du parfum, de manger épicé le matin, d’aller faire un footing juste avant (transpiration). Il faut protéger votre nez et celui de vos confrères. Pour les fumeurs, éviter de fumer avant la compétition, peut-être que ça ne vous gênera pas mais ce sera sûrement handicapant pour les autres juges.
Être courtois et constructif
On peut parfois avoir une opinion très différente des autres. L’exercice d’analyse demande de l’humilité. Même si vous pensez avoir plus d’expérience qu’un confrère. Chaque remarque est intéressante et il y a souvent du vrai derrière.
Essayez de prendre du recul par rapport aux échantillons, de comprendre le brasseur. On a parfois des surprises quand on ne sait pas ce qui a vraiment été construit. Essayez de juger de façon positive et de critiquer de façon constructive.
Notez que souvent les idées arrêtées sont de mauvaises routes ! Bien sûr, le plus d’info vous donnez, le mieux cela sera.
Être juste et uniforme !
C’est sans doute le plus difficile pour un juge. Adopter la même ligne de conduite de la première à la dernière bière. Evitez par dessus tout d’être plus strict au début et plus laxiste sur la fin, l’alcool n’aidant pas. Ou inversement, et c’est souvent le cas sur de longues séries, on peut être lassé par les échantillons de la fin (qui sont aussi souvent les plus intenses). Cela entraîne parfois mois d’informations saisies voire même de plus mauvaises notations. La concentration est de mise et c’est loin d’être évidant !
Être conscient des biais d’un concours
Il est primordial d’être conscient des biais des concours et des notations. Notamment du fait que dans une catégorie donnée (ex : blonde inférieure à 6% par exemple), les bières les plus intenses de la catégorie ont tendance à obtenir toujours de meilleures appréciations car elles ont automatiquement plus d’intensité aromatique. Il est important d’avoir cela en tête pour être capable de noter une blonde à 4% d’une facilité de dégustation remarquable, n’est-ce pas après-tout ce que l’on demande avant tout à une bière ? Surtout que l’exercice de dégustation impose de ne déguster que 2 à 3cl de la bière en question quand il sera parfois plus indispensable d’en boire davantage pour en savourer les plaisirs.
Se fier à sa première impression
Souvent, on a une première impression et puis la bière est difficile à analyser donc on creuse, on creuse… et on se met à douter. Dans ce cas là, pour trancher fiez-vous plutôt à votre première impression qui est souvent la bonne.
Maintenir son calme et sa discrétion
Il est très important que le premier tour se fasse dans la discrétion, que chaque avis sur la bière soit donné de façon neutre. Eviter à tout prix les soufflements, les gesticulations qui pourraient donner des indices sur le produit à vos confrères. Il est essentiel que chaque avis soit le plus neutre possible. Aussi, même si vous avez terminé de remplir vos fiches, restez discrets et éviter les commentaires tant que les autres juges n’ont pas terminé.
Être pragmatique
Lorsque vous jugez un échantillon de bière, il y a un cahier des charges et votre rôle de juge est de vérifier que la bière correspond à ce cahier des charges, rien de plus ! Oubliez vos goûts, vos préférences et jugez par correspondance à la catégorie. S’il manque un petit truc, n’hésitez pas à l’écrire cordialement. Si deux échantillons d’une même bière sont différents sur la table, ce n’est pas normal, demandez à l’organisateur d’ouvrir une autre bouteille, il y en a généralement toujours plus en stock au cas où. Si la bière paraît complètement en dehors du cahier des charges (la catégorie), vous pouvez aussi en parler à l’organisateur si tous les juges de la table sont d’accord.
Échanger avec les confrères
Il est primordial de ne pas discuter pendant la première dégustation mais il est tout aussi fondamental d’échanger sur les échantillons pour gagner en expérience du collectif ensuite. Même les juges les plus expérimentés peuvent passer à côté de certains problèmes, notamment car les seuils de perception de chaque composé sont fondamentalement différents selon les personnes. Discutez cordialement et tenter de vous mettre d’accord sur les médailles. Souvent, la discussion termine par un consensus. Si ça n’est pas le cas, il est peut-être possible de re-goûter la bière pour se départager.
Déguster comme un pro
Pour aller plus dans les détails, nous avons plusieurs article sur la dégustation professionnelle. De façon plus générale, gardez à l’esprit de bien utiliser tous vos sens, le regard, l’audition, la vue et le goût !
Comprendre ce que vous êtes en train de faire
Le brasseur compte sur le dégustateur pour avoir un retour objectif de sa bière à un instant T. Il s’agit de lui donner un maximum d’information pour qu’il puisse avoir des retours objectifs sur sa bière tout en gardant à l’esprit que ce retour reste malgré tout très subjectif (cela dépend des personnes et de la condition du produit, notamment la température de dégustation par exemple). Ces retours permettront peut-être aux brasseurs de faire évoluer leur recette ou leur processus de brassage.
Prendre en compte la temporalité
Lors d’une dégustation, on vous amène souvent 7-8 bières d’un coup. Il faut prendre en compte le moment de la dégustation. Par exemple, la première dégustation sera peut-être trop fraiche. En revanche, la 8ème n’aura pas été dégustée assez vite donc perdra un peu de bulles. Il peut-être judicieux de revenir à la première un peu plus tard ou inversement, d’avoir un premier ressenti olfactif de chaque bière au moment du service. Il ne faut ni allez trop vite pour être complet sur les fiches ni aller trop lentement pour ne pas laisser les échantillons s’oxyder. Bref, organisez votre dégustation en gardant tout cela en tête.
Corriger sa copie
N’hésitez pas à corriger une fiche si vous pensez que vous avez raté quelque chose à la première dégustation. Rien n’est ancré dans le marbre tant que les fiches ne sont pas rendues. C’est souvent le cas après un debrief avec les autres confrères. Mais attention à ne pas vous laissez influencer inversement par quelqu’un de trop sûr de lui. Ne corriger votre copie que si vous pensez que vous avez vraiment raté quelque chose.
Suggérer une amélioration
Il peut être très utile de mentionner aux brasseurs des idées pour améliorer sa bière dans les notations générales sans toutefois entrer dans de la technique. Parlez plutôt d’amélioration du point de vue du goût, de la dégustation comme par ex : un peu plus d’amertume serait agréable.
Rapprocher les notations
Après avoir débriefé avec les autres juges, les notes ne devraient pas avoir plus de 15% à 20% maximum d’écarts entre les juges. Un écart supérieur est souvent le fruit d’une exagération positive ou négative de deux juges. Il s’agit sûrement d’une anomalie. Il convient parfois alors de réviser sa note pour se rapprocher en s’apercevant de cette incohérence. Autant sur les grosses tablées de 4-5 juges, la moyenne est souvent un bon résumé de l’avis général, autant sur les petites tablées de 2-3 juges, un gros écart peut-être lourd de conséquence. Remettez-vous d’abord en question avant de défendre votre note.
Ne pas être trop sévère ! Encourager les brasseurs
Généralement, une bière correcte sans défaut notable doit toujours avoir au moins la moyenne. Les organisateurs de la compétition donne généralement le ton en début de concours sur ce qu’ils attendent des juges en terme de rigueur. De la même manière, par courtoisie, on vous demandera sûrement d’éviter les notes très basse (rien entre zéro et dix si la note est sur 50 par exemple).
Voilà pour ces conseils de dégustation en compétition qui je l’espère permettront aux organisateurs de compétition et aux juges d’améliorer la qualité des appréciations. Si jamais vous pensez à d’autres conseils, écrivez-nous plus bas dans les commentaires.