Gallia a signé avec Heineken, une première craft française a cédé !
Secret de polichinelle, c’est désormais officiel depuis aujourd’hui, la brasserie artisanale de Pantin Gallia rentre dans le portefeuille de brasserie du géant brassicole Heineken.
La rumeur courrait déjà depuis le mois de Juin, on n’attendait plus que l’officialisation, la brasserie Gallia perd son indépendance.
Plutôt marrant car en 2012 ma toute première interview sur le blog était justement de Guillaume Roy, fondateur de le marque Gallia qui a l’époque n’était encore qu’une bière à façon fabriquée en République-Tchèque. Petit à petit, les gérants de Gallia ont bien dirigé leurs pions sur l’échiquier. La production a d’abord été relocalisée dans une grande brasserie familiale du nord, puis en Normandie avant que Gallia ne pose définitivement ses valises à Pantin, au nord de la capitale. Encore décriée à cette époque, c’est à ce moment là que Gallia s’est acheté une côte de popularité auprès des amateurs de bières. Disposant d’un bel équipement de brassage et ayant su recruter des brasseurs talentueux, Gallia s’est mis à produire des bières de plus en plus originales, de top qualité.
Aujourd’hui marque une nouvelle étape pour une brasserie qui en quelques années aura connu de nombreux tumultes. Elle rentre dans le portefeuille d’Heineken comme certains signes avant-coureurs pouvait nous l’indiquer. Souvent, lorsqu’une brasserie est en passe d’être officiellement rachetée on constate un changement d’identité visuelle (logo, étiquette…), un lifting, une modernisation.
C’était le cas de Gallia qui au mois d’août 2019 a présenté sa nouvelle identité. Plus épurée, plus flashy et et plus moderne contrairement à l’identité originale qui était plutôt soft et vintage en référence à l’ancienne marque de bière Gallia. Il s’agissait déjà d’une bière parisienne il y a quelques décennies (de 1890 à 1969). La nouvelle identité s’adresse à un public plus large et plus jeune tandis que la mise en canette annoncée il y a 3 jours sera là pour faire passer la pilule auprès des aficionados de la marque.
Techniquement parlant, Heineken n’est encore que minoritaire dans la brasserie. Comme lors de tout ses rachats, la prise de pouvoir s’effectue généralement en deux temps. D’abord une intégration minoritaire au portefeuille qui se termine généralement par une prise de pouvoir complète dans les années qui suivent (voir Lagunitas). L’investissement devrait notamment permettre à Gallia d’ouvrir une seconde brasserie à Sucy-en-Brie.
Cette première microbrasserie rachetée en France marque aujourd’hui un changement déterminant dans le paysage brassicole français. Cela prouve que le marché est désormais réellement attractif pour les investisseurs et témoigne du succès grandissant des bières artisanales hexagonales. Jusqu’où ira le phénomène craft beer français ? Quelle sera la prochaine brasserie nationale rachetée ? Ce sont des questions que tous les français se posent désormais.
septembre 11, 2019 at 2:05 pm
Peu surpris à l’annonce de cette nouvelle, dont j’avais déjà entendu les prémisses il y a quelques semaines. C’est vrai qu’en y repensant, c’est une brasserie qui a très bien su mener sa barque, et qui devait (peut-être?) déjà prévoir à terme de s’intégrer dans la « cour des grands » du monde brassicole. Quand on y pense, ils ont réussi à bien mener à la fois le côté marketing et le côté craft, pour s’assurer une visibilité et un débit conséquent, tout en n’étant pas des « faussaires » qui braderaient de la pisse brassée à façon.
Pour le marketing et la volonté de créer une entreprise de taille, ils s’y sont bien pris:
_nom et design de la marque très parlant, qui reprend une ancienne marque et sa symbolique très parisienne (les anciennes étiquettes utilisaient même l’accroche « depuis 1890 », dont on sait que c’est pour miser sur un capital prestige et non pas une réalité).
_implantation au sein d’un réseau de distribution qui leur assure une visibilité à l’échelle nationale (Paris d’abord, puis la province. Voila deux ou trois ans que dans la sud de la France, je trouve de la Gallia dans certaines enseignes de grande distribution)
_Rapidité d’implantation, avec d’abord la période bière à façon, qui permet de se créer un nom sans être dépendant des contraintes liées à la création d’une microbrasserie dans l’immédiat (faible volume, etc…)
Ensuite, et ça a été là leur talent, ils ont réussi à se faire une belle place dans le monde du craft français:
_tout d’abord grâce à la création effective de la brasserie en banlieue parisienne, qui leur a permis de montrer leur volonté de ne pas être des escrocs, simples vendeurs d’étiquette. De plus, cela leur a permis de commencer à brasser tout en ayant déjà établi leur nom dans le milieu.
_La qualité des bière est quand même très correcte, et même si ce n’est pas la micro la plus aventureuse en terme de variété des styles (il me semblait à première vue qu’ils faisaient surtout des variations autour de l’IPA, mais après vérification sur le site, quelques éphémères sont plus originales), leurs produits sont loin d’être mauvais.
_En lien avec le point précédent, les gérants de la marque ont su déléguer et s’entourer de personnel qualifié et de brasseurs qui connaissent leur métier (j’ai beau aimer l’esprit craft, j’ai malheureusement trop souvent goûté des bières artisanales ratées, malgré le fait qu’elles ont été brassées par des passionnés)
_Belle présence sur les salons, ouverture d’un bar, etc.
Tout ça mis bout à bout, on voit que c’est une boîte qui a réussi à se créer une place et une image, à devenir une entreprise qui marche et qui attire désormais les investisseurs, tout en étant une brasserie reconnue par les amateurs de bière. On peut espérer que l’entrée au capital d’Heineken ne dénaturera pas la qualité. Personnellement, je ne pense pas que ça soit inévitable, car l’entreprise avait déjà la volonté de produire un volume assez conséquent, et je suppose qu’ils seront capables de le gérer avec l’ouverture du deuxième site de production. Peut-être y aura t-il un arrêt ou une diminution de la production de bières éphémères plus originales, au détriment de la gamme classique, plus « bankable »? L’avenir nous le dira.
(P.S: désolé pour le pavé, mais c’est vrai qu’en y réfléchissant après la lecture de l’article, ces divers éléments me sont revenus en tête, et la manière dont la boîte était née et avait évolué m’a paru très représentatif des nouvelles tendances du marché brassicole, d’autant plus original que c’est le premier cas de reprise par un gros groupe en France.)
septembre 30, 2019 at 11:46 am
Pour avoir parlé avec le brasseur, pour le moment il n’est pas prévu de diminuer les recettes « originales », pour reprendre ton expression. Je crois qu’ils prévoient notamment une production de sour/wild avec un espace dédié à la garde en fût…