Faire une bière sans alcool

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Pour le brasseur amateur il existe de nombreuses techniques – choix des ingrédients, techniques de brassage, levure – pour faire une bière faiblement alcoolisée. Il est par contre moins aisé de faire une bière totalement sans alcool.

Après être tombé sur ce lien j’ai voulu tester de faire comme décrit une bière sans alcool par évaporation de l’alcool d’une bière normale.

Le principe

La technique consiste à faire s’évaporer l’éthanol de la bière fermentée avant sa mise en bouteille. L’éthanol s’évapore aux alentours de 80°C et ça prend une trentaine de minutes à cette température pour qu’il soit entièrement évaporé.

La recette

En sachant que la bière va monter à 80°C en toute fin de processus, le point important à prendre en compte lors du développement de la recette est qu’on ne pourra pas compter sur les composants aromatiques volatils produits en amont de cette étape, venant par exemple du houblon (stade aromatique de l’ébu, dry hop) ou de la levure.

En prenant cela en compte et voulant faire une bière style pale ale je suis parti sur une recette classique à la différence que j’ai uniquement utilisé du houblon en début d’ébullition. Pas d’aromatique et pas de dry hop.

Une fois la bière fermentée (10j), je l’ai transvasé dans une petite marmite et l’ai monté à 80°C sur la gazinière et l’ai maintenu à cette température. J’ai attendu de ne plus sentir s’évaporer les esters caractéristiques de la levure. Ne sachant pas trop comment juger que l’éthanol avait fini de s’évaporer. Ceci a pris une cinquantaine de minutes (plus long que ce qui était indiqué dans l’article BYO). J’ai ensuite introduit du houblon en whirlpool (Australian Summer) pour l’aromatique. Une fois le tout bien décanté j’ai transvasé dans un autre contenant (désinfecté), refroidi, resucré, ré-ensemencé et mis en bouteille.

Le résultat

Après 2 semaines de refermentation il y avait encore un énorme goût de diacétyle, qui a normalement disparu après 15j (pour cette levure du moins). Pensant que c’était foiré j’ai laissé les bouteilles de côté sans plus y penser. Un mois plus tard au moment de les jeter j’ai quand même goûté par curiosité, et surprise, le diacétyle avait été entièrement consommé, et la bière restante était super bonne ! C’est de loin la meilleure bière sans alcool que je n’aie jamais bu ! L’illusion avec une pale ale standard était assez bluffante.

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Les 2 différences majeures avec la même bière que j’aurais brassée sans l’évaporation étaient

  • l’aspect visuel : plus trouble et foncé (visuellement elle n’était franchement pas top…)
  • aucune présence d’esters de la levure (cette levure anglaise produit des esters fruités caractéristiques).

Je vais définitivement renouveler l’expérience !

Il faut cependant savoir que la refermentation en bouteille à 6g/L créé tout de même entre 0.2 et 0.3% d’alcool. Seuls les possesseurs de fût ayant la possibilité de carbonater la bière sans refermentation pourront faire une bière 100% sans alcool avec cette technique. En outre ils pourront faire un keg hop pour un résultat potentiellement encore plus proche d’une vraie bonne pale ale.

Il a également été mentionné lorsque j’ai partagé cette technique l’importance primordiale de l’hygiène au moment de la mise en bouteille. L’alcool est en effet protecteur contre de nombreux germes potentiellement nocifs, et les fabricants industriels de bière sans alcool pasteurisent leurs bouteilles.

Cette technique devrait aussi être bien adaptée pour les bières brunes qui seront à priori moins négativement impactées par la chaleur autant gustativement que visuellement.

N’hésitez pas à poster en commentaire vos retours d’expériences sur des tests similaires !

Note importante: toujours vérifier auprès d’un laboratoire le taux d’alcool de la bière après évaporation de l’alcool. Après quelques tests extrêmes sur une bière démarrant à 9% d’alcool et 90 minutes à 80°C, la bière n’est finalement descendu qu’à 4,72% d’alcool d’après les tests du laboratoire LACO (11€ le test d’alcool).

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A propos de matthieu

Matthieu Rolland est un mec qu’il est interdit d’appeler Matthieu, ou Rolland, car son vrai blason est bel et bien « Matthieu Rolland ». Troubadour déluré au crane dénudé, ce joli brin de jeune homme n’est rien de moins qu’un super-héros des temps modernes. Mais quel est donc son super-pouvoir ? Voir la description complète de Matthieu→ Matthieu est aussi créateur d'une future microbrasserie dans le Sud de la France, pour suivre ce projet, suivez la page Facebook de la brasserie Rolland.

12 commentaires to “Faire une bière sans alcool”

  1. Michaël a dit :
    avril 4, 2018 at 10:46 am

    c…carbonater? Vous voulez dire gazéifier?

  2. Aubert a dit :
    avril 4, 2018 at 11:13 am

    Salut, super article ça donne envie !
    Par contre j’avais entendu dire par un brasseur que chauffer une bière (une sorte de pasteurisation) donnais un goût de biscuits à la bière.
    À tu ressenti ce goût ?
    Merci !

    • matthieu a dit :
      avril 6, 2018 at 8:04 am

      salut! très intéressant comme question! malheureusement il ne m’en reste plus goûter en pensant à ça et je saurais pas dire avec certitude. elle était clairement plus « malt forward » que la même bière brassée sans la partie de chauffe mais je m’étais dit que ct par défaut, vu que de nombreux composants aromatiques ont été volatilisés, ceux liées aux malts sont de fait plus présents. je garderai ça en tête la prochaine fois. j’ai un petit batch de stout dont j’ai évaporé l’alcool sur 5L donc je pourrais vraiment faire le comparatif entre les 2.

  3. Quentin a dit :
    avril 4, 2018 at 11:14 am

    Oui carbonater veut dire gazieifié. Ou plus précisément rendre soluble du CO2 dans la bière.

  4. MARTIN a dit :
    avril 28, 2018 at 9:37 pm

    Génial ! merci pour ta bonne idée !

  5. Hello quand tu as rensemencé pour la fermentation en bouteille, tu as mis la même quantité de levure qu’à la première fermentation? Merci pour la précision !

  6. Guillaume a dit :
    décembre 11, 2019 at 6:54 pm

    Salut,
    tout d’abord merci pour ton astuce.
    J’ai du coup essayé sur une blonde qui titrée à 5.2 %vol
    Je l’ai chauffé à 80°c pendant 1h.
    Je viens de la tester en labo et elle sort à 4.5 %vol du coup il faut chauffer mais grave plus qu’une heure.

    Est-ce que tu as fait d’autre test pour comparer ?

  7. Guillaume L a dit :
    décembre 11, 2020 at 9:54 pm

    Dans mes cours de chimie au collège, on m’a appris que dans un mélange en solution, quand on chauffe, le constitiant qui a le point d’ébullitionle plus bas dicte en qurlque sorte la température du mélange. Quand on chauffe plus, la température reste la même, (le point d’ébullition de l’alcool, par exemple) mais c’est la vitesse d’évaporation qui augmente. À considérer quand on veut rentabiliser le temps de distillation… Si quelqu’un pouvait confirmer ça serait super pour tout le monde…

  8. Merci pour ces tests c’est intéressant !
    Ne serait-il pas possible de mesurer le taux d’alcool avec un densimètre pour s’assurer de son évaporation ?
    Ca éviterait de devoir envoyer l’échantillon au laboratoire.

  9. Salut,
    (je n’ai encore jamais brassé mais je vais mis mettre prochainement.)
    Je ne sais pas si quelqu’un lira se commentaire mais ne peut-on pas procéder d’une autre manière, je m’explique :

    Après le brassage Faire bouillir le moût pendant 10 à 15 min pour stériliser puis refroidir, ensemencer et fermenter. Une fois la fermentation terminé procéder à l’houblonnage à ébullition pendant 1h. Pour finir refroidir, resucré, ré-ensemencer et mettre en bouteille.

    Vu la température et la durée de l’houblonnage, l’alcool devrait s’évaporer entièrement.
    Ce n’est qu’une idée et je ne sais pas si ça marche et quelle goût aura le produit final.
    Si des personnes vont tenté ou ont tenté l’expérience, j’aimerai bien avoir leur retour.

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