L’Hérault c’est bon pour la santé, dit le docteur

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La Bière du Docteur, une blonde au pays du rouge

« Entre vigne et garrigue », on peut lire sur un panneau depuis l’autoroute. Et pour cause: ce coin de l’Hérault, lointaine banlieue à 30km de Montpellier, est un pays de vignobles qui cumule les AOP: Terrasses du Larzac, Pic Saint-Loup et autres Coteaux du Languedoc. J’en passe. Chaque village a son caviste. Comme sur la place principale de Gignac, par exemple, ce gros bourg médiéval entouré de lotissements. Dans la boutique, les vins sont vraiment locaux, abordables, des fois naturels, souvent bios. Les vignerons de l’Hérault, autrefois, on n’enviait pas leur piquette, mais depuis ils ont renouvelé leurs arguments. Avec du rouge à faire pâlir les voisins. Et des blancs, tiens, qu’ont pas à rougir.

Sauf que le caviste pas raciste a aussi invité des blondes. En face du comptoir, se fait mousser une sélection de bières artisanales locales qui nous rappellent que la biérolution est en marche dans toute la France, et pas que dans le plat pays de l’orge. La Brasserie Artisanale du Luberon, d’abord, qui n’est pas languedocienne. La Gorge Fraîche, aussi, avec un blase typiquement Montpelliérain mais qui est produite dans le Lot. Surtout, l’incontournable Brasserie des Garrigues n’est qu’à 60km. Mais encore plus local, c’est possible. Figure-toi qu’ici même, à Gignac, en plein Languedoc, on a le docteur.

Alchimie en sous-sol

Drôle de docteur, en vérité. Cheveux longs attachés, look vaguement punk, Sylvain Accart évolue dans un sous-sol de villa de lotissement qui n’a rien d’un cabinet de consultation, mais plutôt d’un studio de répét en béton nu, avec vieux tapis marron et set de batterie. Premiers indices: tuyaux partout, fûts et piles de bouteilles qui convergent, au bout d’un couloir, vers trois cuves Polsinelli de 500l. À cette heure, Sylvain pompe les derniers litres de moût vers la cuve d’ébullition. Derrière nous, la chambre chaude renferme cinq fermenteurs de 300l, avec isolation et clim’ maison. Les palettes de malt sont quichées dans un coin, et les étagères de bouteilles étiquetées bouffent le peu d’espace qui reste.

La journée sera longue: le brûleur est sous-dimensionné pour le volume de brassin, et la chauffe prend du temps. Le refroidissement se fait naturellement pendant la nuit. L’embouteillage est manuel. Sylvain a lancé sa Bière du Docteur avec 20 000€ et beaucoup d’énergie. Pas loin d’un an après l’ouverture officielle en mai 2016, les investissements se font évidemment sentir. Sarah, qui bosse ici depuis le début du mois de janvier, s’affaire pendant qu’on discute. Son rapport de stage portera sur le brassage et la fermentation, mais aussi un peu sur l’amélioration d’une jeune brasserie: logistique, comptabilité, etc. Le docteur soigne donc son avenir.

La Bière du Docteur brasserie artisanale Gignac

Le docteur en pleine action – photo Pierre Pernix

Recherche, je te kit

Dans le passé, tout a pourtant commencé par une infection. En 2009, du point de vue bière, Sylvain Accart est un ignorant sans histoire, qui aime bien se jeter une belge de temps en temps pour changer de l’ordinaire. Il prépare une thèse en neurobiologie et se destine à la recherche. C’est pendant un séminaire au Canada qu’il fait sa première expérience d’une ale artisanale, et qu’il découvre le kit à bière. Le voilà contaminé.

« Le kit est le plat surgelé du brassage », relativise-t-il. Mais que de nouveaux horizons ! À commencer par la Nouvelle Zélande. En 2012, le jeune diplômé décroche un visa vacances-travail et s’envole prêter main forte à un copain brasseur, puis bosse un peu façon woofing dans une vraie microbrewery, sur une petite île en face d’Auckland. Même avec un doctorat en poche, pourquoi chercher plus loin, hein ? La recherche, c’est fini. La biologie appliquée, voilà le truc.

À son retour en 2014, le docteur s’équipe en 25l et brasse de plus belle. Il est de tous les brassins collectifs organisés par la toute nouvelle BAF de Montpellier. Mathieu et Thomas, qu’il rencontre là-bas, ont l’idée de créer Le Détour. Lui fera la Bière du Docteur. « On s’est tiré la bourre pendant un an, se marre-t-il, ils ont ouvert quinze jours avant moi ». Sylvain et quelques colocs ont d’abord cherché une baraque près de Montpellier, avec des critères de docteur : un cabinet, oui, avec une chasse d’eau. Un grand sous-sol, surtout, pour la brasserie.

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Des recettes, pour grossir?

La Bière du Docteur, c’est 6 formules. La Loutre Blonde est une bière de soif, le Remède une blanche au froment. On trouve une belge, la Triple Buse, et une stout au cacao, le Flacon Malté. Pour finir, une Fille des Iles, rouquine au sucre de canne, et la Sud Pacifique houblonnée à cru au Nelson Sauvin, souvenir d’Auckland. Ces deux-là, parce que « j’ai toujours aimé les ambrées ».

Les premières ventes ont lieu en été 2016 à la buvette d’un village touristique tenue par un copain. Aujourd’hui le docteur place ses produits chez plusieurs cavistes, restos et même un foodtruck. On perce ses fûts pour des événements. Un brewpub de Montpellier voudrait lui prendre une de ses bières du mois. « Je gagne 1€ par litre produit », déclare Sylvain. Il faut tenir un rythme de 1000l par mois, en moyenne sur l’année. « J’essaie de brasser deux fois 250l tous les quinze jours ».

On parle projets: passer au bio ? Le grain est plus cher, bien sûr, mais vu la faible part de matière première dans le prix de revient, c’est souhaitable. « Le malt coûte moins cher que le verre », rappelle-t-il. Ensuite, « avoir une vraie trésorerie ». Jusque là en flux tendu, il n’a pas toujours pu produire autant qu’il aurait voulu. Les expériences? « Ce qui est beau dans ce métier, c’est de mettre au point de nouvelles choses ». Mais Sylvain consacre déjà tout son temps à la production des recettes qu’il maîtrise. Ceci dit, Sarah et lui tentent en ce moment un brassin test avec des levures différentes. Et puis, grossir ? 4000l par mois, ça aurait de la gueule: «je pourrai salarier quelqu’un.» Mais faudra pousser les murs.

Pour l’instant, il faut investir. La Bière du Docteur lance une campagne de financement participatif pour acheter une tireuse deux becs. Et peut-être plus, si vous avez un grand cœur: une soutireuse semi automatique et un brûleur plus puissant ne seront pas du luxe. Donnez si vous voulez, mais si vous passez dans l’Hérault, arrêtez-vous à Gignac. On vous fera ouvrir la bouche et dire «trente-quatre». On guérira votre soif. En vous prescrivant un antidote. Chez le docteur de la bière.

Fiche du Docteur

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1 commentaire to “L’Hérault c’est bon pour la santé, dit le docteur”

  1. David De Jesus a dit :
    mars 19, 2017 at 8:56 pm

    Super ! je constate qu’il a réussi à lever les fond nécessaire !

    Bonne chance pour son projet de docteur brasseur !

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