NEIPA – New England IPA une question de style
East et West Coast sont toujours des American IPA mais pour combien de temps encore tant elles se démarquent à présent ?
Alors que les IPAs continuent de déferler, toujours plus nombreuses, sur le marché de la bière « artisanale », le petit milieu des Beer Geek est toujours à l’affût de nouvelles tendances. Dans ce microcosme avide de nouveautés, on peut dire que le monde des IPAs est en pleine effervescence. Ce nouveau penchant pour des bières volontairement troubles et hyper fruitées fait de plus en plus d’émules et s’exporte aujourd’hui bien au-delà de ses origines de la côte Est du Vermont.
Loin de toutes les ramifications initiées jusqu’alors par la créative côte ouest et ses notes massives de houblon pour des IPAs toujours plus fortes ; et après tous les ajouts imaginables de seigle, de blé, d’épices ou de malts torréfiés, c’est aujourd’hui du côté des terres plus australes qu’il faut se tourner. Impossible, en effet, de nos jours de ne pas compter sur les apports dans la scène brassicole des nouveaux venus que sont la Nouvelle-Zélande et de l’Australie plus proche climatiquement de ces états verdoyant et frais de la région de la Nouvelle Angleterre.
L’obsession pour des houblons aux arômes hyper fruités d’agrumes n’a pas disparu, mais il y a maintenant de nouvelles variétés tropicales et juteuses supplémentaires provenant de Nouvelle-Zélande et d’Australie, comme Galaxy, Nelson Sauvin, Waiiti et de nouvelles variétés américaines comme Azacca, Equinox et El Dorado. C’est ainsi que dans le Vermont et plus généralement la Nouvelle-Angleterre, un nouveau style d’IPA est né. Ces New England IPA (NE IPA pour les intimes) sont maintenant connues et reconnues pour leurs arômes juteux et fuités, des saveurs houblonnées intenses. Elles ont aussi une amertume et une puissance inférieure ; mais surtout, une couleur et corps trouble presque laiteux. Après être un temps resté en retrait, les pionniers de la côte ouest comme Ballast Point ont même complètement adhéré au style en y ajoutant de vrais fruits et des agrumes, comme pour la très reconnue Grapefruit Sculpin IPA ou plus récemment la Pineapple Sculpin.
Bien qu’il existe des tendances fruitées, agrumes, tropicales ou encore acide de ces bières fortement troubles à la faible amertume, elles cherchent toutes à mettre en avant des arômes de fruits pour un résultat se rapprochant plus gustativement et visuellement d’un jus de fruit que d’une IPA traditionnelle. Même si du côté de la Nouvelle-Angleterre ou du Vermont ce style d’IPAs est plus répandu et bien que certaines brasseries revendiquent d’avoir inventé le style, c’est plus une tendance et un style imaginé par les spécialistes et les beers geeks que réellement le résultat de l’imagination des brasseurs. Il ne s’agit en effet d’un nouveau style que dans la mesure où la filtration et la clarification sont devenus des standards et que cette opacité de la bière est volontaire. A contrario, on peut considérer que de nombreuses brasseries pratiquaient ce style il y a une dizaine d’année sans le savoir !
Pour de nombreux brasseurs la limpidité d’une IPA reste le juge de paix d’une qualité irréprochable mais dans le Vermont, John Kimmich, fondateur et brasseur de The Alchemist qui a sans doute initié le style Vermont avec son prototype l’IPA Heady Topper : «J’aime une bonne bière houblonnée et trouble et n’ai aucun problèmes à les boire. Je trouve assez drôle et frustrant que tant de personnes soient resté bloqué sur ce sujet. » Ce n’était pourtant pas, de l’aveux même de John Kimmich, un but en soi que ces bières se démarquent en partie par leur aspect visuel trouble.

La fameuse Heady-Topper-can de The Alchemist
Alors tout est une histoire de levure…. ou pas ?
La cause de ce trouble des New England IPA est encore sujette à de nombreux débats sur les forums de brassage. Certaines personnes suggèrent d’aller jusqu’à ajouter des additifs comme le maïs ou de la farine pour garder la bière opaque. La levure de la Heady Topper (The Alchimist) est quant à elle devenue une véritable légende, avec de nombreux brasseurs la croyant la clé de ce style d’IPA.
Ses origines exactes sont secrètes, mais John Kimmich explique comment elle est devenue la souche de la brasserie The Alchimist. «De ce que j’ai compris Greg Noonan (un brasseur amateur et écrivain) a obtenu la levure sur un voyage en Angleterre au début des années 90. Lorsque Jen et moi avons ouvert la brasserie (The Alchemist) en 2003, j’ai eu la chance que Greg m’accorde la permission d’utiliser sa levure à la seule condition de ne jamais partager la culture d’origine avec tout le monde. »
John ne crédite cependant pas la levure en elle même pour le léger trouble de ses bières, ni le fait que ce soit intentionnel. «Nos bières sont troubles en raison de l’orge anglais que l’on utilise, et des techniques de houblonnage que j’ai développé au cours des deux dernières décennies. Comme n’importe quelle bière, elle finira d’ailleurs par devenir complètement limpide au fil du temps. » Même Shaun Hill, brasseur et propriétaire de ce que certains considèrent comme la meilleure brasserie du monde, Hill Farmstead et qui appelle John Kimmich son mentor, dit, « J’ai utilisé de nombreuses levures au fil des ans, mais jamais dans l’intention de faire de la bière trouble. »

Cloudwater la nouvelle référence européenne des IPA troubles et fruitées
Cela n’a pas empêché d’autres brasseries de tenter leur propre interprétation des bières de The Alchemist et Hill Farmstead à partir récupération de la levure des canettes de Heady Topper. Certains beer geeks, homebrewers ou écrivains sont devenus obsédés par cette caractéristique des bières qui semblent être un effet secondaire involontaire de la levure et du dry hopping.
John Kimmich explique qu’il trouve intéressant que tant de brasseurs et de fabricant de levures utilisent ou proposent maintenant leur levure mais que la plupart des résultats sont décevant car la récupération des levures à partir de canettes ne sélectionnent que des levures en mauvaise santé et à faible floculation qui sont passées à travers leur processus de clarification et que cela contribue ainsi à des bières sur le marché de plus en plus troubles.
La question reste de savoir si le style Vermont ou les New England IPA méritent vraiment leur propre style officiel en considérant leur côté unique et l’influence qu’elles ont et pourraient avoir dans les années à venir. L’influence est indéniable vu la multiplication rapide des interprétations de ce style mais reste à savoir si ce ne sont pas juste des West Coast IPAs avec des houblons dernier cri et si cette mode ne retombera pas dès que d’autres tendances sur les saveurs de houblons se dessineront.
Ce style émergeant risque d’avoir plus de facilité à s’imposer à l’international ou son engouement est réel qu’auprès des associations de brasseurs américaines qui n’affectionnent pas particulièrement les styles régionalistes. Comme le souligne Tyler Brown, fondateur de Barley Browns Brewing Oregon : “Quand des grandes tendances émergent, l’Association des brasseurs tend à les faire reconnaître avec un nom et une description mais ils ne reconnaissent pas vraiment les bières locales US. » Rare sont ceux qui ont validé et utilisent Texas Brown Ale ou Cascadian Dark Ale.
Et vous vous en pensez quoi ?
Ressources
Pour les buveurs : Hill Farmstead, Alchemist, Trillium, Tree House, Other Half mais aussi en Europe : CloudWater, Omnipollo…
Pour les brasseurs : Les houblons fruités cités dans l’article, beaucoup d’aromatique et un énorme Dry Hop, deux levures (WLP008 East Coast Ale Yeast et The Yeast Bay – Vermont ale), des flocons et du blé pour le trouble et un peu de réussite pour une petite bombe fruitée !
Christophe B&B
janvier 12, 2017 at 4:30 pm
Merci Christophe por cet article instructif !
janvier 22, 2019 at 11:23 am
Salut les beermen,
J’étais à la recherche d’informations sur les NEIPA, je viens de trouver mon bonheur. Je n’ai pas encore eu l’occasion de goûter, mais le style m’intrigue, la turbidité, la couleur, le coté fruité et la force des houblons d’une IPA 😉
Savez-vous s’il est facile de s’en procurer? Dans le commerce sont elles toutes regroupées sous la dénominations NEIPA ou faut il rechercher d’autres termes?
Et en France, est ce que certaines brasseries ont réussi à en produire? Vous avez des noms de brasserie à nous donner?? Et à la maison, certains d’entre vous ont-ils tenté l’expérience?
Après avoir lu, hâte de goûter!
janvier 26, 2019 at 5:29 pm
Hello Aurélie,
Je te conseille de regarder du côté de Popihn en brasseries françaises.
A la maison, c’est très dur à produire car ça s’oxyde facilement et ça donne un résultat très moyen. A moins que tu utilises quelques techniques avancées https://www.happybeertime.com/blog/2018/03/06/limiter-risque-doxydation-dune-neipa-remplissant-bouteilles-a-ras-bord/
janvier 28, 2019 at 9:42 pm
Merci pour les infos Thomas!
Je viens de lire l’article sur l’oxydation des NEIPA, je suis bluffée par les photos avec et sans headspace!
à bientôt!