AB-InBev court-circuite les brasseries artisanales, la justice US surveille
Aujourd’hui, une information faisait la une des journaux du monde entier, la désormais certaine conclusion de l’accord entre AB-InBev et SAB Miller, respectivement numéro 1 et 2 leaders mondiaux du marché de la bière. Après une première offre refusée, SAB Miller aurait cédé aux chants des sirènes pour 96 milliard d’euros.
Pourtant, alors que l’on se dirige vers une position ultra-dominante du néo-groupe sur le marché américain, ce n’est pas l’information la plus importante du jour. D’après une information publiée par Reuters hier soir, la justice américaine tenterait actuellement de confirmer des allégations qui accusent AB-InBev de freiner l’expansion des « craft breweries » en leur coupant l’accès aux circuits de distribution. En effet, AB-InBev s’est attaqué depuis peu au rachat de distributeurs de bière. Un moyen de bloquer l’accès à la distribution pour les bières dîtes « craft » en verticalisant sa domination. Si cela n’a rien de choquant en France où la domination verticale du marché par les géants brassicoles est injustement enlisée depuis des décennies, la donne est bien différente aux États-Unis.
Le système des 3 tiers aux États-Unis
La grande majorité des états américains fonctionnent avec un système appelé le système des 3 tiers. Les tiers en question sont le producteur, le grossiste et le détaillant. Un bière produite par un brasseur est obligé de passer par un distributeur qui vendra à son tour aux détaillants. Une brasserie ne peut en aucun cas vendre directement à un bar ou un caviste.
Seul l’état du Washington, très libéral, permet aux brasseries de vendre en direct. Dans certain états, les détaillants ne sont pas des entreprises indépendantes mais un structure gérée par l’état qui contrôle la distribution finale. Le système des 3 tiers a pour intérêt de régulariser et de contrôler la distribution d’alcool après les abus de la prohibition. Il est en vigueur depuis les années 1933.
Une exception à la règle existe pour les brewpubs qui peuvent évidement distribuer la bière produite directement aux consommateurs.
AB InBev court-circuite les brasseries artisanales
Le rachat de SAB Miller aux États-Unis est très inquiétant. Il permet en effet au nouveau groupe de détenir près de 46,4% du marché total de la bière aux États-Unis. Une position ultra-dominante qu’AB InBev continue d’accentuer ces derniers mois avec le rachats des plus grosses microbrasseries comme Golden Road en Septembre dernier. A l’heure où le marché jouit d’une diversité incroyable de micro-brasseurs – ils sont plus de 4 000 au dernier recensement – on peut craindre cette position quasi-monopolistique du néo-groupe.
Déjà dans une situation inconfortable, le marché de la bière est sous la menace d’un plus grand danger. Depuis quelques temps AB-Inbev, décidément sur tous les fronts, s’attaque également aux distributeurs. Récemment, le géant a mis la main sur 5 distributeurs dans 3 états différents. Il maîtrise entièrement la distribution de 5 territoires dans le Colorado (sur les 8 existants) depuis le rachat en août 2015 d’American Eagle Distributing et un échange de territoire avec Standard Sales.
Plusieurs brasseurs témoignent d’une exclusion progressive de leurs produits après qu’AB-InBev n’ai mit la main sur un de leur distributeur.Heureusement, les autorités américaines semblent surveiller cela de très près. Elle pourrait intervenir dans le cas où AB InBev maîtriserait trop de distributeurs causant une perte significative de part de marché pour les brasseries artisanales. Le point de rupture serait de 50% de la distribution maîtrisée par AB InBev dans une zone géographique déterminée. D’après les experts, la situation pourrait également se débloquer en permettant au brasseries d’atteindre directement les points de vente comme dans le Washington actuellement. L’autre solution qui tombe sous le sens serait d’interdire aux brasseurs la possibilité de posséder un distributeur. C’est déjà le cas depuis peu dans l’état du Kentucky qui a réagit en mai 2015 à cette progression dangereuse d’AB Inbev en passant une loi.
Avec cette mega-fusion et la verticalisation du marché américain, AB InBev étend clairement son pouvoir de façon dangereuse. A la justice américaine d’intervenir pour stopper une soif de pouvoir abusive qui met un péril l’équilibre du marché et l’intérêt public.
Image à la une: lassedesignen