La bière artisanale met-elle en danger le marché du houblon ?
D’années en années, le houblon est devenu l’ingrédient roi de la bière mis en avant par les microbrasseries dont le nombre explose ces dernières décennies. Un marché à deux vitesses qui risque de causer une dangereuse inflation des prix si le phénomène continue de s’accélérer.
Propulsé par les États-Unis d’Amérique, le phénomène de microbrasserie fait des émules. Hors les petites brasseries artisanales, soucieuses de faire de la bonne bière n’ont pas la main légère. Elles utilisent au profit du goût de vos bières autant de malt et de houblon qu’il n’en faut pour que le goût de la bière soit optimal. Certaines techniques pour produire la bière sont très consommatrices comme le houblonnage à froid qui permet d’extraire du houblon un maximum d’arômes fruités sans en extraire l’amertume.
D’un côté la quantité de brasseurs soucieux de produire des produits de qualité augmente à une vitesse considérable – nous sommes passés de 200 à 600 brasseurs en France en seulement dix années – d’un autre côté, le développement de nouveaux cultivars, en pleine croissance également, a du mal à suivre ce rythme infernal emmené par les micro-brasseurs. En 2015, les brasseurs américains utilisent près de 132 variétés différentes de houblon tandis qu’ils n’en utilisaient que 88 en 2009. Le marché du houblon tente de suivre la demande croissante mais, force est de croire qu’il faut près de 25 ans de recherche pour développer de nouveaux cultivars. Certaines espèces de houblon très populaires comme le très aromatique houblon néo-zélandais Nelson Sauvin se font rares. Les commandes de cette variété sont souvent soldées sur les six années à venir.
La demande en houblon n’a jamais connu de tel précédent. La consommation de cette fleur de la famille des cannabaceaes aurait quadruplé au cours de la dernière décennie. Bien évidemment, le succès des India Pale Ales est fortement responsables de ce qui pourrait entraîner de nombreuses pénuries. A défaut de disparition, certaines espèces se raréfiant voit leur prix décupler déraisonnablement. Tandis que le phénomène ne fait que commencer, nous sommes à même de nous demander si le marché de la bière artisanale ne se met-il pas en danger lui-même ? L’augmentation du coût des matières premières pourrait avoir des conséquences importantes sur l’inflation du prix de la bière à moyen terme. De plus, la forte demande pourrait causer une annihilation de nombreuses variétés créant ainsi des privilèges d’exploitation. Il n’est pas difficile d’imaginer que certains cultivars populaires puissent être totalement pris à partie par des brasseurs.
Les conséquences néfastes de cette explosion pourraient être nombreuses. La solution passe peut-être par un achat des matières premières de plus en plus local bien que la filière manque encore énormément d’alternatives locales exploitables. Le futur de la bière se tourne peut-être vers un retour en force du terroir, le petit brasseur d’Aquitaine exploitant une nouvelle variété aromatique de Dordogne. Un bien pour un mal, un mal pour un bien ? Seul l’avenir nous dira quel tournant prendra le marché du houblon qui, une chose est sûre, se dirige vers un moment charnière de son évolution. A moins que les brasseurs ne retournent à l’exploitation d’anciens épices comme les baies de genévrier qui font un retour en force en Amérique du Nord avec la remise au goût du jour d’un ancien style finnois appelé Sahti utilisant cette épice en lieu et place du houblon. La créativité des brasseurs n’a pas vraiment de limites.
Image à la une: sivivolk sur ShutterStock
mai 13, 2015 at 8:23 pm
Le ton alarmiste de cet article laisse croire à une pénurie de houblon imminente. Dans la réalité, c’est un peu plus complexe. La demande en variétés émanant des micros ne peut se comparer à celles de l’industrie lourde. En face, les cultivateurs tirent la langue et les surfaces ne cessent de baisser.
Pour preuve, ce qui est constamment recensé dans le Barth report depuis plusieurs décennies. Ce rapport est une vraie bible qui fait autorité auprès des brasseurs et producteurs du monde entier.
http://www.barthhaasgroup.com/en/news-and-reports/the-barth-report-hops
Le houblon n’est « que » le sel de la bière, et donc de loin pas la proprotion de matière première la plus utilisée. A raison de 2 à 5 grammes de houblon pour 100 litres de bière dite artisanale, pardon, mais ce ne sont pas les micros qui épuisent le filon vert ! C’est plutôt l’offre globale (114 000 tonnes en 2013, toutes variétés confondues) qui ne peut répondre à certaines demandes.
Un coup d’oeil précis sur la nature de ces demandes serait certainement plus parlant. Que le houblonnage à froid nécessite une quantité plus importante qu’un houblonnage classique est un fait. Mais combien sont-ils à maîtriser cette technique et l’utilisent de façon systématique ? C’est bien beau de vouloir se distinguer sur les détails, mais si la production ne suit pas, on peut se rabattre sur des formules plus courantes. Ou faire de la bière sans houblon. Si, ça existe.
La difficulté à trouver certaines variétés est une réalité. Mais cultiver du houblon ou en réintroduire sur certains terroirs en est une autre. Et avec ce que consomment les toutes petites micros françaises (pour ne citer qu’elles), ça ne suffirait même pas à un seul exploitant pour vivre de sa culture. Et ce ne serait qu’une seule variété au mieux !
A propos des coûts de production: https://www.brewersassociation.org/best-practices/hops/cost-of-hop-production/
Quant à mettre au conditionnel le fait que des monopoles pourraient se créer, c’est un contre-sens quasi historique, puisque c’est et ce fut le cas, de tous temps.Au début des années 2000, 90% de la production alsacienne de strisselspalt était réservée d’une année sur l’autre à Anheuser-Bush, et le reste par Kro pour la 1664… Bush finançait même certains cultivateurs. Si ce n’est pas une manière de monopoliser le marché, qu’on m’explique.
http://draaf.alsace.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Houblon-RA-20120120-srisecf_cle089686.pdf
Ensuite si vous regardez une planisphère avec les zones de productions, vous verrez que le houblon ne pousse pas partout, contrairement aux brasseries.
Pour que l’or vert (surnom du houblon) reste de l’or, il se doit d’être rare et cher. CQFD !
http://ec.europa.eu/agriculture/hops/index_en.htm
mai 13, 2015 at 9:50 pm
Merci Dan pour cet éclairage.
Bien évidemment, la demande des microbrasseries françaises est loin de la demande des industriels. Cependant, si l’on extrapole en suivant ce qu’il se passe aux Etats-Unis, le craft beer est industriel et le raisonnement ci-dessus prend tout son sens.
mai 14, 2015 at 2:44 pm
Je doute qu’on puisse extrapoler le marché américain, qui se suffit à lui-même dans ce cas précis (la prod de houblon et de bière).
Le marché européen est très différent. Et les artisans français, même à 600, n’ont quasiment rien de commun avec ceux implantés aux States.
Plus globalement, le marché du houblon est sous la coupe des industriels. Les demandes en alpha exigent des rendements conséquents, et je ne parle même pas des recherches en cours pour développer de nouvelles variétés, plus riches, plus résistantes, plus faciles à cultiver. L’OGM n’est pas loin derrière tout ça non plus…
Bref, un peu loin des considérations « artisanales » (du pur, du bon, du bio, etc) des mini brasseurs. La grande question reste et demeure: qui va planter tout ça ? Et à quel prix ?
En passant, +1 pour les remarques de Matthieu.
mai 14, 2015 at 9:16 pm
Je conçois bien. Ma conclusion semble un peu utopiste en fin de compte. L’extrapolation est difficilement applicable. Les deux marchés ne seront finalement jamais similaires.
mai 14, 2015 at 12:46 am
tu parles de l’augmentation de la demande de houblon c ca? (en fait j’ai un peu de mal à suivre ton raisonnement ca part dans tous les sens!)
le seul truc que je vois avec cette augmentation c’est la volatilité du cours, liée à la différence d’inertie entre la demande (instantanée ou quasi) et la possibilité de production (qui demande plusieurs années de préparation).
non?
pk consommer plus local à un rapport avec cette histoire?
et pk tu dis que certaines espèces se raréfient?
mai 14, 2015 at 1:20 am
C’est exactement ce que je tente t’expliquer Matthieu. Une demande qui monte en flèche et qui est hyper volatile d’un côté et une production plus lente.
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Quand au local, ce n’est qu’une hypothèse, je me disais (peut-être très naïvement) si face à une demande croissante des nouvelles variétés de houblon et l’inflation des prix qui en découle, la culture locale ne serait pas une solution d’avenir pour continuer à acheter ces houblons à des prix raisonnables.
mai 14, 2015 at 2:30 am
ok escuz c’est moi qui doit etre mal réveillé!
par contre je vois pas comment le local influe sur le cours. la c’est plus des problèmes d’offre et de demande non? qui sont fixées par les quantités totales, donc que ce soit 10 petites ou 1 grande ca change pas le pb si?
mai 14, 2015 at 2:44 am
Non mais après, c’est pas l’analyse la plus profonde de l’année. C’est un article rapidement écrit sur une base de réflexion tout à fait perfectible comme le commentaire de Daniel ci-dessus en témoigne.
Cela dit, en effet c’est plus le problème d’une demande qui explose et d’une offre forcément plus lente à réagir.
Quoiqu’il en soit, les problèmes quantitatifs semblent en effet moins déterminants que dans la microbrasserie.
mai 15, 2015 at 8:13 pm
Salut Dan. Pour info, nous sommes une petite brasserie et pourtant nous prenons pres de 10% de la production du 59-62. Sachant qu ils n arrivent pas a vendre l intégralité en France, ils sont obligés d exporter.