Lagers, comment sont-elles devenues si populaires ?
Sommaire
Nous nous retrouvons pour une nouvelle aventure dans les couloirs du temps afin d’expliquer comment la consommation de bière a littéralement changé en France avec l’arrivée des expositions universelles dans la fin du XIX siècle.
Empruntons sans tarder la machine de H.G Wells pour retourner en 1851, le début d’une aventure industrielle. Demandons à l’explorateur du temps d’emprunter sa « Time Machine » et voyageons sans tarder dans le passé.
Exposition universelle
Les expositions, dites « universelles » furent créées pour présenter, en pleine révolution industrielle, la vitrine technique et artistique de différentes nations.
Le premier but de ces grandes manifestations est de diffuser dans une ou plusieurs branches de l’activité humaine les progrès réalisés ou les perspectives d’avenir.
La première exposition universelle fut organisée à Londres en 1851, à Hyde Park, au sein du Crystal Palace, conçu à cette occasion par Joseph Paxton (1801-1865).
Devant le succès de cette manifestation, de nombreux pays proposèrent alors d’organiser, à tour de rôle, des expositions identiques, visant à faire connaître à un large public la création industrielle (principalement), les arts appliqués et les beaux-arts.
Les œuvres exposées étaient choisies par un jury et devaient répondre à un thème proposé. La compétition y était omniprésente, et des concours permettaient aux plus méritants d’obtenir des médailles, bénéficiant d’un certain prestige.
Plus de vingt expositions universelles eurent lieu entre 1851 et 1935. Elles furent arrêtées entre 1939 et 1957. Elles ont repris depuis 1958, mais la fréquence est désormais plus restreinte.
Sachez par ailleurs que l’exposition universelle de 2015 aura lieu à Milan (Italie).
« “Nourrir la Planète, Énergie pour la Vie”, le Thème d’Expo Milano 2015, réfléchir et chercher à trouver des solutions aux contradictions de notre monde : d’un côté les gens souffrant de la faim, de l’autre la mort à cause d’une alimentation incorrecte ou d’une exagération de consommation. Le gaspillage de la nourriture, chaque année, pèse presque 1,3 milliard de tonnes. »
Maintenant que le cadre est posé et que la naissance de l’exposition universelle n’a plus de secret pour vous, centrons-nous sur l’épicentre du questionnement de ce jour. En quoi l’exposition universelle a considérablement changé la façon de consommer la bière ?
Une révolution est née
La fin du XIXe siècle signe un événement majeur dans l’industrie brassicole. En effet c’est à cette période que l’industrie évolue de façon considérable dans tous les domaines. Il est désormais possible et de façon beaucoup plus simple de maitriser les températures (machine frigorifique à mercure).
La fermentation basse voit le jour vers les années 1840. Grâce à ce nouveau procédé de brassage, l’obtention de bière légère et limpide va alors littéralement changer la consommation de bière des populations européennes.
Pour rappel la fermentation basse consiste à fermenter le moût de bière à basse température, entre 6 et 15°. Les levures vont alors, au lieu de mousser en surface, retomber dans le fond de la cuve.
Il va donc de soi que jusqu’à présent, exclusivement des bières dites de « haute fermentation » étaient produites.
Les atouts d’une bière de fermentation basse par exemple une « Pils » résident dans 3 points :
- Premièrement son aspect : appétissant, blond, clair
- Son goût : plus légère et plus désaltérante
- Sa conservation : produit stable, dont le gout est standardisé. Le consommateur se fidélise à ce standard et ne peut être déçu.
Rappelons que nous sommes en 1840, les bières de l’époque pouvaient entre deux brassins avoir une différence de saveurs significative. Enfin elle peut voyager facilement.
Départ en croisade
À l’occasion de l’exposition universelle de 1857, la France se confronte pour la première fois de l’histoire à la bière de basse fermentation.
Les délégations des 40 brasseurs venues de 17 pays se rassemblent pour cette occasion au sein du palais de l’industrie. Cette année la France n’est que peu représentée comparé aux Allemands qui sont bien décidés à faire carton plein. Côté français seulement 13 stands de brasseries principalement originaires du nord tandis que du côté germain c’est une équipe de 21 qui s’impose.
Le choc est dur pour la brasserie française complètement prise au dépourvu face à ce produit tant par sa nouveauté que par son gout unique et léger pour l’époque. Cependant le problème majeur n’est pas uniquement là, mais aussi sur le retard de son industrie.
Face à cet engouement, la France est obligée de s’aligner sur la conception de bière à fermentation basse comme la majorité des pays d’Europe.
Malheureusement malgré cette cuisante défaite la France ne réagit pas sur le coup, il faudra attendre l’exposition de 1878. Durant cette exposition suite au contexte politique franco-allemand (Guerre franco-prussienne 1870-1871), malgré une très mauvaise organisation de l’événement cette année, la France montre qu’elle est capable de s’aligner sur les autres pays en remportant 3 médailles. L’effort est salué par un ponte de la bière de cette période, Georges Dusmenil membre du jury.
1889, une page est tournée, la bière de fermentation haute fait bien pâle figure. Cette année dans le palais de l’alimentation, au quai d’Orsay, est accueilli 240 brasseries, 58 Françaises, dont 32 travaillant en fermentation basse. Enfin, afin de distribuer la bière aux visiteurs, 15 bars sont installés dans les différentes allées. On en dénombre 14 distribuant une bière de fermentation basse.
La fermentation haute ne fait plus le poids, fantôme du passé, non, elle reste bien présente sur le sol français, mais est définie comme incapable de représenter la France.
1900
Cette exposition est sans doute l’une des plus gigantesques jamais organisée à ce jour tant par les fonds mis en place, mais aussi par la fréquentation extraordinaire.
Côté brasseur, 371 brasseurs du monde entier, 55 Français dont 40 proposent de la fermentation basse. Comme légèrement abordée tout à l’heure, la fermentation basse reste encore mineure en production sur le pays. En 1900, sur 1200 brasseries seulement 12% travaillent en fermentation basse.
Nous parlions il y a quelques lignes des fonds importants mis en place pour cette exposition, pour le pôle brasserie voici quelques chiffres :
- 500 000 francs pour la construction du pavillon
- Une salle des machines
- Une salle de dégustation équipée de cave réfrigérée
- 48 robinets de dégustation (43 en basse)
- 3430 hectolitres de bière française consommée
- 45 médailles côté français
Le pavillon de la brasserie fut construit avec une grande inspiration de l’architecture flamande. Le Rapport général administratif et technique – Tome 6 de l’exposition universelle de 1900 nous le détaille :
Pittoresque, originale et élégante, avec ses hautes cheminées de briques, ces toits aigus, ses revêtements de céramique colorée, rappelant les brasseries flamandes faisaient honneur à ses architectes, MM Sansboeuf et Benouville. Les dessous de la fabrication habitaient l’outillage de fabrication. À cote de l’édifice, nos principales brasseries possédaient des comptoirs de dégustation alignés dans une grande salle voûtée et pourvue de cave ainsi que d’appareils frigorifiques.
1900 marque pour la première fois le véritable succès des brasseurs français dans le domaine brassicole. 45 médailles entraînant un fort engouement pour la brasserie française cela lui permettra de briller ensuite aux autres grandes manifestations internationales.
Changement radical
La fermentation basse a en quelque sorte ravagé les mœurs brassicoles françaises. Petit à petit les brasseries parisiennes vont fermer, ne pouvant subvenir en produisant des bières à haute fermentation, le seul choix restant est de mettre la clé sous la porte. C’est ainsi que dans les débuts du XXe plus aucune bière de haute fermentation ne sera produite dans Paris.
Enfin la demande toujours croissante pour ce nouveau produit par le consommateur entraîne le reste des brasseurs à suivre ce mouvement. En effet si la France ne produit pas assez de bière basse fermentation pour les consommateurs, la seule solution pour consommer ledit breuvage reste l’importation de bière étrangère. Forcément aucune autre alternative qu’une reconversion n’est envisageable. Il faut appliquer la stratégie marketing dite d’alignement qui consiste à s’aligner sur la concurrence pour survivre.
À titre d’exemple on remarque par ce tableau la croissance des importations de bière de l’étranger entre 1884 et 1889. Vous noterez la nette différence entre l’import de l’Allemagne face aux autres pays.
Finalement, on peut conclure que les expositions universelles ont servi de vitrine à la basse fermentation pour prendre le pas sur la haute fermentation produite courant du XIXe par la quasi-majorité des brasseries françaises. En l’espace d’à peine 50 ans le français a complètement changé sa consommation en jetant son dévolu sur un produit plus standardisé, mais de qualité constante.
Sources de l’article
Internet :
- www.culture.gouv.fr
- http://cnum.cnam.fr
CHAPITRE II. Les progrès de la brasserie (1889-1900).
Matières premières. Malterie. Brassage. Fermentation. Traitement de la bière:
- http://exposition-universelle-paris-1900.com/LA_RUE_DES_NATIONS
- http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/chan/chan/fonds/edi/sm/sm_pdf/7-Expositions%20diverses.pdf
- www.Wikipédia.fr
Livre :
- La biere à paris – Emmanuel Oumamar, Edition Sutton
Images:
- http://www.parisenimages.fr/fr/galerie-collections/35794-1-exposition-universelle-1900-brasserie-kammerzell-cineorama-paris-1900http://www.parisenimages.fr/fr/galerie-collections/collection/L%C3%A9on%20et%20L%C3%A9vy