La fermentation spontanée : la gueuze (3/3)
Troisième partie de notre dossier sur la fermentation spontanée avec la gueuze, un mariage de saveurs fantastiques. Découvrez ce qu’est la gueuze et d’où vient son histoire.
Peut-être avez-vous manqué les deux premières parties de notre dossier sur le Lambic (partie 1) et sur le Faro (partie 2). Auquel cas, voici de quoi vous rattraper.
Partie 1: Le Lambic Partie 2: Le Faro
Qu’est-ce que c’est qu’une Gueuze ?
Si vous avez suivi le premier chapitre de ce dossier vous savez que je vais forcément parler de Lambic.
Parce qu’effectivement, la gueuze c’est du lambic ; plus précisément une mixture de lambic âgé d’un, deux et trois ans. Pour rappel, un lambic jeune aura un goût beaucoup plus sucré contrairement au vieux dont on aura plutôt tendance à vanter le côté « sauvage ».
Il faut savoir que lors de la première année de vieillissement du Lambic, les Brettanomyces, Lactobacillus et les Pediococcus (qui sont des levures) agissent ensemble pour donner à la bière un goût fruité : on évoque souvent l’ananas et parfois des arômes de chêne. Pendant les deux dernières années de fermentation, les Brettanomyces vont lentement consommer les sucres résiduels pour apporter plus de douceur.
Les assembleurs / coupeurs de lambic
Il existe des producteurs de lambic qui font vieillir leur produit dans des fûts de chênes puis crée la gueuze en bouteille. Et il existe des assembleurs de Lambics.
Ces gens-là se procurent plusieurs lambics différents (chez Cantillon, Drei Fonteinen par exemple) et les mélangent pour créer leur propre gueuze. Du fait d’une refermentation en bouteille, la gueuze est nécessairement pétillante. La personne qui va ainsi choisir les lambics et définir leur proportion aura alors été capable d’estimer le goût d’un assemblage de lambic, de brasseries différentes, vieillies en fût pendant 1 an. Plutôt compliqué non ?
Il ne faut pas croire que tout assemblage est bon, la gueuze doit être le résultat d’un équilibre ; le sucré du jeune lambic ne doit pas effacer la douceur du vieux. L’assembleur – ou coupeur de Lambic – est confronté à des produits qui ne sont pas les siens et doit savoir les apprivoiser pour obtenir une gueuze de qualité.
La méthode Champenoise
Vous connaissez peut être déjà la gueuze de nom ou de goût mais connaissez-vous son histoire ?
Elle commence au XVIIème siècle avec Pierre Pérignon, ou Dom Pérignon si vous préférez. Monsieur Pérignon était un moine qui vivait dans la Marne, au monastère d’Hautvillers. Il suivait les principes bénédictins qui ordonnaient la vie monastique, dictés par Benoît de Nursie au milieu du VIème siècle. Il était un homme connu pour produire des vins de Champagne de grande qualité.
Grande figure parmi les producteurs de Champagne, les conteurs d’histoire ont pour coutume de lui en attribuer la paternité. Il aurait largement contribué à l’élaboration du précieux breuvage vers la fin du XVIIème siècle. Lors d’un de ses pèlerinages dans le Languedoc à l’abbaye de Saint-Hilaire (à côté de Carcassonne) il s’accapare les techniques de vinification des vins effervescents ; la blanquette de Limoux (l’un des plus vieux vins effervescent au monde) avait déjà fait la réputation de la région en 1531. De retour au pays champenois, Dom Pérignon aurait utilisé son nouveau savoir-faire pour faire évoluer les vins de Champagne afin de séduire les grands de la cour du Roi Soleil.
Attention aux légendes !
Mais plusieurs éléments mettent en péril cette histoire. On disait du moine Pérignon qu’il était davantage attiré par les vins plats, qu’il avait pour projet de lutter contre ce vin du diable, contre cette mousse qui avilissait le produit de prestige. Aussi ce n’est que le 25 mai 1728 que le conseil du roi autorise l’embouteillage du vin de Champagne. Décédé depuis 1715, Dom Pérignon ne pouvait déjà produire cette boisson, il lui aurait fallu une bouteille solide et un bouchon de qualité pour provoquer la refermentation en bouteille.
Bien que des intérêts commerciaux aient nourri ces légendes, Pierre Pérignon reste en partie responsable de la naissance du Champagne et aura contribué toute sa vie à l’amélioration des vins tranquilles.
Du Champagne à la bière
C’est un siècle plus tard, en écoutant ces histoires, qu’un brasseur brabant aurait eu l’idée de coupler lambics jeunes et lambics vieux pour provoquer une refermentation en bouteille.
Les sucres du plus jeune entrent alors en contact avec le moelleux et la finesse du vieux. On laisse reposer la mixture dans un fût de chêne pendant un an pour que la bière se gazéifie (les sucres se transforment en gaz carbonique) et puis on déguste ! La bière peut se déguster jeune ou mûre, et se conservera aisément une vingtaine d’années grâce au houblon suranné et à son acidité poignante.
Aussi vous questionnerez-vous quant à la qualité des succédanés modernes ; sachez qu’ils sont filtrés et que bon nombre de producteurs ajoutent de l’aspartame pour adoucir le produit et attirer les palais les moins avertis. L’appellation Oude Gueuze est censée garantir la qualité d’une gueuze originelle, cependant méfiez-vous : certaines brasseries historiques comme Cantillon ne l’utilisent pas, à vous de vous demander pourquoi…
Après nos deux premières parties sur le Lambic et le Faro, j’espère que cet épisode sur la Gueuze vous aura plu. Le prochain et dernier épisode de l’histoire parlera des bières aux fruits (Kriek, Frambozen…).
Partie 1: Le Lambic Partie 2: Le Faro