Abolition du « contrat brasseur » en Angleterre
Le contrat brasseur, arme d’emprisonnement massive des cafés, hôtels et restaurants vient d’être aboli en Angleterre. En France, 80% des bars restent invraisemblablement prisonnier de ce système injuste. Une grande victoire de l’autre côté de la manche qui donnera peut-être des idées chez nous. Retour sur cette conquête pour le monde de la bière artisanale.
Le 19 Novembre 2014, une grande victoire était obtenue en Angleterre par l’association CAMRA (Campain for a real ale) qui défend les intérêts des consommateurs de bières. Elle obtenait la dissolution d’une loi stupide et coercitive vieille de 400 ans, l’équivalent de notre contrat brasseur en France. Explication de l’abolition de ce que l’on appelle de l’autre côté de la manche la « cravate de la bière ».
La « cravate de la bière » en Angleterre, qu’est-ce que c’est ?
En France on l’appelle le contrat brasseur, en Angleterre on l’appelait « la cravate de la bière » (beer tie). Le système est un peu différent mais est comparable par la façon dont il emprisonne les propriétaires de bars. Ils sont généralement obligés d’acheter les bières d’une marque en compensation d’une aide financière, souvent indispensables pour se lancer. Il faut en général investir 20 000$ pour lancer un pub sous licence contre 250 000$ pour lancer un pub indépendant.
En Angleterre, quand on lance un bar, deux solutions s’offrent au gérant, il choisit de payer soi-même son loyer selon les prix du marché ou il est aidé par une grande brasserie (ou une compagnie qui gère les emplacements des pubs). L’aide permet de payer un loyer moins cher contre l’achat exclusif des produits du fournisseur. Un bon moyen d’enfermer les propriétaires pour les brasseries.
En soit, le deal est équitable, payer un loyer moins cher mais devoir acheter les bières du fournisseur des lieux. Sauf qu’en échange de cet abonnement – l’abonnement est comparable aux abonnements téléphoniques avec l’iPhone offert contre des mensualités plus fortes – les pubs cravatées payent beaucoup plus cher leurs bières que s’ils les achetaient sur le marché. L’association CAMRA considère qu’un pub sous licence paye 77% plus cher sa Foster, 55% plus cher sa Heineken ou encore 49% sa Guinness à titre d’exemples. Les propriétaires des bars payent un loyer et leur bière à prix fort. Pire encore, si les pubs profitaient à l’origine de cette aide sur le loyer, les analystes considèrent qu’aujourd’hui, un pub sous-licence est souvent surchargé par les deux bouts : loyer plus cher et bière plus chère. Et malgré des prix souvent prohibitifs pour le consommateur dans les bars sous licence, les propriétaires ont pourtant du mal à se sortir mieux qu’un SMIC. 60% gagneraient moins que le SMIC selon CAMRA.
Quelle est la nouvelle réforme en Angleterre ?
La nouvelle réforme votée par le gouvernement de David Cameron, qui était pourtant contre elle, permettra aux pubs d’acheter leur bière sur le marché public. Ils paieront toujours un loyer auprès des propriétaires des lieux évidement mais ne seront plus contraint d’acheter chez eux. Ils pourront se fournir chez n’importe quel distributeur de bières. Un concurrence saine pour une libre circulation de la bière.
Une réforme qui devrait « assurer l’avenir des pubs » selon l’association CAMRA.
Pour le consommateur en tout cas, cela devrait permettre de payer sa pinte moins chère d’une part et de profiter de plus de choix de bières d’autre part.
La loi doit encore passer par la chambre des Lords pour être acceptée. Autant dire qu’on croise les doigts pour qu’elle entre en vigueur.
Comment cela se passe en France ?
En France, le fléau est d’autant plus important que 80% des cafés, hôtels et restaurants seraient sous contrat brasseur. Il n’existe pas d’entreprise de gestion de bars possédant les bars sur notre marché. L’arrangement est un peu différent.
Les grands brasseurs remplacent la banque en aidant les bars à se fournir en matériels (tables, tireuses…). Bien évidement, le matériel gratuit pour le gérant est « marqué » à l’effigie du brasseur. Ensuite, le bar doit se fournir en bière chez ce même brasseur, payant généralement de plus en plus cher sa bière années après années.
Comme en Angleterre, ce n’est pas vraiment l’arrangement initial qui est critiquable bien que négatif pour les consommateurs (moins de choix, prix plus chers). Ce sont bien les dérives et la coercition financière exercée par les grands groupes qui sont scandaleux. Souvent, les prix augmentent de façon irrationnelle sans que les pubs ne puissent se fournir autrement. La corde au cou pour les tenanciers.
Si l’Angleterre va franchir un grand pas, il est grand temps qu’en France aussi, le marché soit le grand décideur du prix et de la qualité de la pinte. Malheureusement, il n’existe pas encore d’association de consommateur digne de CAMRA en Angleterre pour influer sur les décisions gouvernementales. A vrai dire, il n’existe même pas d’association du tout… C’est bien de l’autre côté de la manche qu’il sera plus simple d’aller boire vos pintes dans les années à venir même si la passion entraîne heureusement plus d’un créateur de bars à se démener pour ouvrir sans contrat brasseur ces dernières années.
Pour une concurrence libre et saine en France, il va encore falloir militer de nombreuses années. A moins que le gros travail de nos voisins anglo-saxons ne n’ai permis d’ouvrir la brèche. En tout cas, c’est une très grande nouvelle pour le monde de la bière.
Image à la une: draught
Source: BBC
décembre 27, 2014 at 11:42 pm
Article intéressant, mais je pense que dans ce contexte « tie » signifie lien/attache plutốt que « cravate » 🙂
janvier 7, 2015 at 2:17 am
sauf a ce que « cravate » renvois à celle du pendu. ce qui ici aurais tous sont sens a mon avis!!!!