La fermentation spontanée : le faro (2/3)

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Suite de notre dossier spécial lambic : on s’attaque maintenant au doux breuvage qu’est le Faro.

Si l’on vous parle de Faro comme on m’en a parlé, allez-vous tout de suite penser à la brasserie Lindemans et à ce breuvage sucré qui ne ressemble finalement presque plus à de la bière ?

Et bien mes amis, ne vous inquiétez pas ; vous n’êtes pas totalement perdus, et c’est grâce à cet article que vous traverserez les chemins encore infoulés du Faro.

Pour ceux qui avaient poney ou badminton et qui n’ont pas eu le temps de regarder la première partie de ce dossier, veuillez suivre le guide :

Partie 1: Le Lambic Partie 3: La Gueuze

Un peu d’histoire…

L’histoire du Faro que l’on connait nous amène tout d’abord au détroit de Messine. Forte et fière de son terroir, cette partie de la Sicile peut se vanter d’une histoire – vieille de presque 3500 ans – qui remonte à l’âge mycénien (une période située entre -1650 et -1100 avant JC). S’y développait un large territoire vinicole reconnu par Jules César lui-même qui eut vraisemblablement bu « à la santé du vin de Messine » lors de son triomphe au troisième consul.

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On vantait la robe rubis, la couleur brique du Faro de Messine. Peut-être est-ce là l’origine de l’appellation Faro que nous décrivent François Noel et L. J. M. Carpentier dans leur dictionnaire des inventions, des origines et des découvertes en Janvier 1838.

Les auteurs évoquent des « Espagnols qui vinrent en Belgique avec le père de Charles Quint, [qui] comparèrent [le Faro], à cause de sa couleur, au vin de Faro, dont le nom lui est resté ».

Le terme vin de Faro n’est pas précisé et pourrait aussi faire référence à la ville de Faro au Portugal (région de l’extrême sud). L’horticulture serait particulièrement développée dans l’Algarve, région administrative dont Faro est la capitale. Mais alors à quel vin Philippe 1er faisait-il référence ? Malheureusement les informations sur son étymologie sont assez limitées. Les éléments dont nous disposons permettent seulement d’explorer quelques pistes sans pouvoirs être définitif.

D’autres légendes font référence au mot français « faraud » qu’on pourrait définir par élégant et riche. On l’aurait ainsi nommé en référence à sa consommation « huppée », réservée aux gens aisés de la cour au XIIIe siècle ; cette dernière théorie semble néanmoins être la moins probable.

Le deuxième âge du faro

La date de création de cette bière est inconnue, mais on sait cependant en attribuer la réinvention. En 950, deux bruxellois clamèrent détenir les secrets de production du Faro. Le seigneur Hugues, qu’on aimait à dire amateur de bulles, proposa une récompense « à celui de ses voisins qui perfectionnerait la bière » : une exemption de tout impôt. Les deux bruxellois présentèrent de fait leur concoction au Sir qui s’improvisa juge ; malgré un palais expérimenté il ne sut départager les deux concurrents.

Fin économe ou homme de parole, Sir Hugues décida qu’un participant et un seul ne pouvait prétendre à l’exemption, on s’en remit au Jugement de Dieu.

Loin des traditionnelles joutes d’épée qu’opposaient deux parties contestataires, le jugement pouvait être rendu d’une autre manière, peu singulière : la décision était rendue par deux corbeaux (une vieille coutume druidique de la région).

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« Les parties mettaient sur une planche deux gâteaux de farines, détrempées avec de l’huile, des œufs et un peu de vieux vin ; ils portaient ces deux gâteaux au bord du lac d’Ixelles, après quoi on lâchait deux corbeaux qui mangeaient un des deux gâteaux en entier et éparpillaient l’autre. La partie dont le gâteau n’était qu’éparpillé gagnait sa cause »

L’histoire aurait donné pour réinventeur Maître Géry Knaps, maître de l’estaminet de la Haute Pinte, mais le jugement divin en décida autrement et c’est finalement Jean Munters qui put jouir des faveurs du seigneur (au moins jusqu’à l’avènement de Jean 1er).

 

La consommation du Faro

Si l’on évoque l’alcool au XIXe siècle, notamment en France, on vous parlera d’Absinthe. La consommation était largement répandue en France, on estimait que l’ouvrier devait travailler 2 mois sur 12 pour régler l’ardoise de la fée verte. Alors que le débat faisait rage entre médecin et consommateur on décida de prendre la loi de 1906 pour seule juge et le breuvage fut interdit. Le phénomène Absinthe n’avait pas vraiment atteint la Belgique, ou du moins de manière négligeable, dans certains petits réseaux mondains ; le Bruxellois lui, buvait du Faro.

 

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Bien que Baudelaire ne l’eut appréciée (« Le Faro, c’est une bière déjà bue »), les belges aimaient à le déguster dans les cafés de la ville. On suspendait une ficelle à travers du jus de betterave sucrière pour provoquer une cristallisation afin de respecter la recette traditionnelle du sucre candi, comme nous l’indique l’ouvrage de Michael Jackson de 1991. Le client pouvait aussi se munir d’un stoemper (voir ci-dessous) pour aromatiser son breuvage ; cet instrument au nom barbare prenait la forme d’une clé à sardine autour duquel on enrobait à l’origine de la mélasse puis plus tard, un morceau de sucre candi. Il fallait éviter la fermentation de ce sucre pour empêcher une forte acidité d’imprégner la bière. Aussitôt reçu, le tonneau devait être vidé.

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Photo: bombay-bruxelles.blogspot.ca

Malgré sa forte popularité, la consommation s’estompa vers la fin du siècle au profit des bières à fermentation basse. Le conditionnement y a joué pour beaucoup, les lagers se conservaient aisément. Outre l’acidité que pourrait procurer une conservation excessive du Faro, le tenancier s’exposerait à un risque d’explosion si le liquide était embouteillé. Si vous pouvez aujourd’hui acheter du faro conditionné, c’est que les producteurs ont trouvé certaines solutions au problème.

 

Prêtez plutôt attention aux propos d’Alberto Cardoso de chez Cantillon à propos de la différence entre un Faro embouteillé et un faro traditionnel :

 

« Le Faro de Cantillon n’est autre qu’un Lambic ou on a ajouté du sucre caramélisé liquide […] Ce produit n’est jamais embouteillé. Pour embouteiller il faut obligatoirement pasteuriser le produit pour tuer l’activité des levures et ainsi éviter l’explosion des bouteilles. Cantillon ne pasteurise jamais ses produits. Nous utilisons le même Lambic que celui qu’on sert à la brasserie. C’est en général un Lambic qui a entre 1 et 2 ans…! »

 

L’ajout de certain additifs et la pasteurisation ont permis à Lindemans d’embouteiller et de populariser le Faro. Il faut dire que, même pasteurisé, le goût du Faro pasteurisé reste une bonne reproduction du faro traditionnel dont vous connaissez désormais les inconvénients en terme de commercialisation.

Cantillon et Drie Fonteinen en particulier font partis des derniers brasseurs d’anciens faros : ce sont ceux qui se rapproche le plus de la « bière brune » bruxelloise.

Avez-vous eu la chance de goûter un faro ancien ? Comment avez-vous vécu cette expérience ?
Réagissez dans les commentaires pour nous partager votre dégustation et votre point de vue sur la comparaison entre le faro moderne et le faro ancien.

Et comme un artiste n’arrive jamais à l’heure, je tiens à m’excuser pour le retard qu’a pris la publication de cette seconde partie du dossier consacré à la fermentation spontanée. Je dois vous confier que j’avais dans l’idée d’inclure les gueuzes au chapitre, le sujet étant trop « volumineux » il occupera la place principale de notre prochain article.

Partie 1: Le Lambic Partie 3: La Gueuze

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1 commentaire to “La fermentation spontanée : le faro (2/3)”

  1. Comment fermenter chez soi de la mélasse de canne ?.

    Où trouver de la farine de mélasse de canne ?.

    Merci pour réponses

    cordialement

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