Guerre déclarée entre brasseries artisanales et industrielles ?
Cette fois-ci, il semblerait que la guerre soit officiellement ouverte entre les micro-brasseries et les macro-brasseries françaises.
Un slogan provocateur
« Kro dehors » ce sont les deux mots qui risquent de devenir un vrai symbole dans le monde brassicole français !
Ces deux mots sont à l’origine trois : « Kro Er Maez » !
Ce slogan, un brin provocateur, est celui du salon de la bière artisanale de Trégunc en Bretagne, le festival Bierzhistans. Un festival qui se déroulera les 2 et 3 Novembre prochain.
L’Association Brasseurs de France
Brasseurs de France souhaite représenter la profession brassicole française dans son ensemble. En théorie, l’association défend les intérêts des brasseurs artisanaux et industriels auprès des forces politiques.
Sauf que les intérêts des petits et des grands sont bien souvent différents voire même opposés. Or, l’Association semble avoir choisi son camps. On lui reproche de se transformer en véritable lobby de l’industrie brassicole…
Une première fracture !
La première fracture avait eu lieu au moment de l’augmentation des taxes sur la bière. Tandis que les micro-brasseurs étaient sur le point d’obtenir une exonération de cette augmentation (on parlait d’exonérer les brasseries dont la production annuelle était inférieure à 10.000 hectolitres), la situation a brutalement reviré.
Il ne faudrait pas que la micro-brasserie prenne trop de place dans le paysage brassicole français…
Brasseurs de France déclare-t-il la guerre à la micro-brasserie ?
Philippe Vasseur, président de l’association Brasseurs de France a répondu à la provocation des organisateurs du festival breton.
Le fait de signifier à l’un des principaux acteurs du marché que sa présence n’est pas souhaitable sur le sol breton nous semble une atteinte insupportable à son image.
Le reflet d’une animosité peu en phase avec les valeurs de notre profession.
Cette réponse, somme-toute assez consensuelle, est prise comme une véritable déclaration de guerre par les micro-brasseries françaises. Avec ce communiqué, Brasseurs de France semble prendre position pour les brasseurs industriels et élargir le fossé avec les producteurs artisanaux qui ne se reconnaissent pas dans ce regroupement.
Le flou ambiant sur la position de l’association semble levé, son positionnement semble être entériné.
Les micro-brasseries rétorquent !
Malgré cette coercition, les brasseurs bretons ne lâchent pas. Artevan, association organisatrice du festival gérée par Tri Martolod, brasserie de Concarneau rétorque :
Pas question de céder !
Nous pouvons considérer que Kro est devenu un nom générique que l’on assimile à une bière standard sans saveur.
« Kro dehors ! », nouveau slogan de révolution ?
Et si « Kro dehors ! » devenait le nouveau slogan de la révolution brassicole ?
Tandis que le phénomène de micro-brasserie a débarqué en France par la Bretagne dans les années 1980, il se pourrait que la révolution prenne un nouveau tournant depuis le territoire breton en ce mois d’Octobre 2013.
De nombreux événements de la bière artisanale supputent d’utiliser le désormais célèbre slogan en soutien à leur congénère breton. Une page Facebook vient même d’être créée !
Quel est ton point de vue ?
Le débat fait rage dans la communauté brassicole. Plusieurs questions l’anime.
Les brasseurs bretons n’ont-ils pas été trop provocateurs en ciblant directement Kronembourg ? Les limites de la loyauté de la concurrence ne sont-elles pas enfreintes ?
L’Association Brasseurs de France a-t-elle eu raison d’avertir les organisateurs du festival ? Cette réponse de Philippe Vasseur marque-t-elle définitivement le positionnement « industriel » de Brasseurs de France ?
Es-tu fervent défenseur du « Kro dehors ! » ?
On se pose plein de questions…
octobre 21, 2013 at 12:56 pm
Ouais bon, faut pas pousser, c’est pas encore la guerre…
Que ça soit un dialogue de sourds, par contre, je crois que ça se confirme, entre une organisation professionnelle dont la vision des choses est marquée par la culture des grosses brasseries, et des microbrasseries qui veulent brasser autre chose, principalement pour un public local, et pour qui l’expansion n’est pas une fin en soi. En gros, c’est pas la même vision du métier… et c’est probablement pas le même métier.
Du coup, les micros ressentent souvent Brasseurs de France comme paternaliste, et ces derniers ont l’air d’avoir un problème à adapter leur communication et leurs structures aux microbrasseries et à leur culture, peinant à élaborer leur argumentation au-delà de « tous ensemble nous serons plus forts ».
Moralité : on s’achemine vers une situation à l’Italienne où Assobirra (industriels) et Unionbirrai (micros) cohabitent plus ou moins bien. Et je pense honnêtement que ça vaut mieux d’avoir deux groupements capables d’agir selon les intérêts (divergents, pas pas totalement incompatibles) de leurs adhérents, plutôt qu’une seule instance professionnelle plombée par des dissensions internes.
octobre 21, 2013 at 6:56 pm
Je pense que tu as employé le bon mot en parlant de différences culturelles. A mon sens, c’est ce qui différencie les deux métiers que je considère comme totalement différent. De ce fait, je pense qu’une gestion par le même organisme est impossible. Comme tu dis, on se dirige vers un système où chaque métier aura son propre représentant :
– 1 représentant de l’artisanat
– 1 représentant de l’industrie
Là les micro-brasseries pourront (enfin) avoir un porteur de parole.
Tu donnes l’exemples de l’Italie, sais-tu ce qu’il en est aux États-Unis, en Angleterre ou encore au Canada ?
octobre 21, 2013 at 7:51 pm
Si je parle de l’Italie, c’est bien parce que c’est un pays qui est dans une situation proche de celle de la France, juste avec 10 ou 15 ans d’avance… ;o)
Aux Etats-Unis, la Brewer’s Association regroupe tout ce qui est « craft breweries », des petits brewpubs jusqu’à certains monstres comme Boston Brewing (Samuel Adams) ou Sierra Nevada, mais qui sont toutes issues du même mouvement depuis la fin des années 70… Donc il n’y a que les multinationales qui n’y sont pas.
Canada, c’est plus compliqué, parce qu’il y a des organisations qui couvrent tout le Canada (comme la Brewer’s Association of Canada), et d’autres qui couvrent juste une province, comme l’Association des Microbrasseries du Québec (AMBQ), mais là aussi, il y a une claire conscience que les bras canadiens des multinationales et les micros peuvent difficilement cohabiter harmonieusement dans la même asso professionnelle.
En Grande-Bretagne, les petites et les régionales ont aussi leurs organisations propres, comme la SIBA, ou l’IFBB (Independent Family Brewers of Britain) qui regroupe plutôt des brasseries régionales établies depuis longtemps.
En Allemagne il y a le Deutscher Brauer-Bund, qui regroupe plutôt les grosses, et les Private Brauereien, qui regorupe les petites et moyennes…
Et en Belgique, il y a quand même beaucoup de micros qui ne sont pas aux Brasseurs de Belgique…
octobre 21, 2013 at 6:20 pm
Pour notre part, Nous, L’Atelier de la Bière, nous avons contesté la politique de communication de Brasseurs de France, sans autre résultat que le mépris de certains cadres de Brasseurs de France ensuite devant leur incompétence (désintérêt ?) pour la réduction des taxes des brasseurs locaux nous avons choisi notre camp et avons démissionné de cette association par lettre AR le17 juin 2013.
J’invite les brasseurs à taille humaine à faire de même et ne pas cautionner cette association qui, de par son financement, ne peut pas nous défendre.
Amicalement
Franck Bellon – Artisan brasseur
octobre 21, 2013 at 6:58 pm
Voici un témoignage caractéristique de la fracture résidant entre les micro-brasseries et Brasseurs de France. Pourtant, l’Atelier de la Bière semblait volontaire en ayant rejoint l’Association au départ.
Merci pour ce témoignage Franck.